• Le vieux Hildebrand

    Contes de Grimm
    Dans une jolie petite ferme, nichée au creux d'une vallée verdoyante, vivait un fermier nommé Hildebrand avec sa femme. Hildebrand était un homme simple et travailleur, mais sa femme, elle, rêvait d'une vie un peu plus excitante et trouvait parfois son mari un peu trop prévisible.

    Non loin de là habitait le curé du village. Il aimait bien rendre visite à la fermière, surtout quand Hildebrand n'était pas à la maison. Ils bavardaient, riaient, et la fermière appréciait beaucoup sa compagnie.

    Un beau matin, Hildebrand annonça à sa femme : "Chérie, je dois partir pour la ville voisine vendre nos œufs au marché. Je serai de retour demain soir."
    La fermière fit mine d'être triste : "Oh, mon pauvre Hildebrand, tu vas me manquer !" Mais au fond d'elle, elle se réjouissait déjà.
    Ce que la fermière ne savait pas, c'est qu'Hildebrand avait un petit doute. Au lieu de partir, il se cacha dans un grand panier en osier qu'il devait justement emporter, et demanda à sa femme de le laisser dans la cuisine en attendant son "départ".

    À peine eut-elle cru son mari parti que la fermière courut inviter le curé. "Vite, vite, mon ami ! Hildebrand est parti pour deux jours ! Venez festoyer avec moi !"
    Le curé arriva rapidement, et ensemble, ils préparèrent un délicieux repas : un poulet rôti bien doré, des pommes de terre sautées, et un gâteau aux pommes tout juste sorti du four. Ils s'installèrent à table, prêts à se régaler.

    Pendant qu'ils mangeaient, la fermière, toute joyeuse, se mit à chanter une petite chanson :
    "Mon Hildebrand est parti, parti bien loin,
    Il ne reviendra pas avant demain !"

    Soudain, une petite voix sortit du grand panier en osier :
    "Mais non, mais non, ton Hildebrand est ici,
    Bien caché, il écoute tout, ma mie !"

    Le curé et la fermière se regardèrent, les yeux ronds. "Qu'est-ce que c'était ?" demanda le curé, un peu inquiet.
    "Oh, ce n'est rien," répondit la fermière, essayant de ne pas paniquer. "C'est sûrement le chat qui s'amuse dans le grenier."
    Elle reprit sa chanson, un peu moins fort cette fois :
    "Le poulet est si bon, le vin si doux,
    Dommage qu'Hildebrand ne soit pas avec nous !"

    Et la voix dans le panier répondit aussitôt :
    "Mais si, mais si, il sent le poulet d'ici,
    Et le vin aussi, quel festin, merci !"

    Là, le curé commença vraiment à avoir peur. "C'est un esprit ! Un fantôme !" balbutia-t-il, le visage tout pâle. Il laissa tomber sa fourchette.
    La fermière, tremblante, essaya de le rassurer, mais elle n'y croyait plus elle-même.

    Soudain, le couvercle du panier s'ouvrit d'un coup, et Hildebrand en sortit, un grand sourire aux lèvres et un air malicieux.
    "Alors, on s'amuse bien sans moi ?" dit-il calmement.

    Le curé, en voyant Hildebrand, poussa un cri et sauta de sa chaise. Il chercha à s'enfuir. Il essaya de passer par la cheminée, mais elle était trop étroite. Il tenta la fenêtre, mais elle était fermée à clé. Finalement, il réussit à ouvrir la porte d'entrée et s'enfuit à toutes jambes, sans même dire au revoir, laissant derrière lui une chaussure.

    La fermière, elle, resta bouche bée, ne sachant que dire.
    Hildebrand la regarda, puis regarda le festin. "Eh bien," dit-il, "puisque tout est prêt, autant ne pas gaspiller ce bon repas."
    Il s'assit à table et commença à manger le poulet.

    On raconte que le curé ne remit plus jamais les pieds à la ferme. Et la fermière ? Elle comprit la leçon et devint, dit-on, un peu plus attentive à son malin mari, Hildebrand.

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