• Le Silence

    Contes d'Andersen
    Au cœur d'une ville pleine de vie, dans une petite rue bien tranquille, habitait un vieux monsieur. Ce monsieur avait un ami très spécial, un ami qui ne parlait jamais, mais qui lui racontait des milliers d'histoires. Cet ami, c'était un gros livre posé sur sa table.

    Ce n'était pas un livre comme les autres. Quand on l'ouvrait, surprise ! Les pages étaient toutes blanches. Pas un mot, pas un dessin, rien du tout. On pourrait croire que c'était un livre ennuyeux, mais pour le vieux monsieur, c'était le plus merveilleux des trésors.

    Chaque soir, après avoir bu son bol de lait chaud, le vieux monsieur s'asseyait dans son fauteuil douillet. Il prenait délicatement son livre silencieux et l'ouvrait sur ses genoux. Et là, comme par magie, les pages blanches se remplissaient d'images, mais seulement dans sa tête.

    En regardant la première page vide, il se revoyait tout petit garçon. Hop ! Il courait dans les champs verts, un cerf-volant rouge dansant dans le ciel. Il entendait presque les rires de ses camarades et le goût sucré des mûres cueillies en cachette.

    Il tournait une page imaginaire, et voilà qu'il était un jeune homme. Il se souvenait d'une promenade au clair de lune avec une demoiselle aux yeux pétillants. Il sentait encore la douceur de sa main dans la sienne et les rêves qu'ils faisaient ensemble pour l'avenir.

    Une autre page, et c'était sa propre maison, remplie des cris joyeux de ses enfants. Il revoyait les anniversaires avec des gâteaux pleins de bougies, les histoires lues avant de dormir, et même les petites bêtises qui le faisaient parfois un peu gronder, mais surtout beaucoup sourire.

    Le livre silencieux lui montrait aussi les moments plus calmes, les après-midis passés à lire près de la fenêtre, les voyages vers des pays lointains ou simplement les promenades dans la forêt voisine, écoutant le chant des oiseaux. Il y avait eu des jours de soleil et des jours de pluie, des joies immenses et quelques petites tristesses, comme dans toutes les vies.

    Plus les pages imaginaires se tournaient, plus les cheveux du vieux monsieur dans ses souvenirs devenaient blancs, comme les siens maintenant. Il voyait ses amis, sa famille, certains étaient partis pour un long voyage, mais ils restaient vivants et souriants dans les pages de son cœur.

    Le vieux monsieur ne se sentait jamais seul avec son livre. C'était comme si toute sa vie était là, bien rangée, prête à être revisitée. Chaque souvenir était une petite lumière qui brillait dans le silence de sa chambre.

    Un soir, le vieux monsieur se sentit très fatigué. Il ouvrit son livre une dernière fois. Il sourit doucement. Toutes les images de sa vie, les plus belles, les plus tendres, défilèrent devant ses yeux clos. Il serra le livre contre lui, comme un ami précieux. Puis, il s'endormit paisiblement, emportant avec lui toutes les histoires merveilleuses que son livre silencieux lui avait racontées, soir après soir. Et le livre, lui, resta sur la table, toujours blanc, toujours silencieux, gardien de toute une vie.

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