La Fille du Roi des Marais
Contes d'Andersen
Les cigognes, ces grands oiseaux voyageurs, racontent parfois des histoires étonnantes. L'une d'elles commence bien loin d'ici, dans un pays chaud où le soleil brille fort, l'Égypte. Là vivait une princesse nommée Helga, si belle et douce qu'elle semblait être une fleur parmi les fleurs. Un jour, alors qu'elle se reposait près d'un grand lotus, des cigognes un peu étourdies l'ont vue. Croyant qu'elle était une fleur très spéciale, elles l'ont attrapée doucement avec leur bec et se sont envolées, très haut, vers le nord.
Elles ont volé longtemps, longtemps, traversant des mers et des montagnes. Mais le voyage était fatigant, et au-dessus d'un grand marais sombre et humide, dans un pays froid, les cigognes ont lâché sans faire exprès la pauvre princesse. Plouf ! Elle est tombée dans l'eau boueuse.
Le Roi des Marais, une créature pas très jolie avec une peau verdâtre et de gros yeux, vivait là. Il a trouvé la princesse Helga, grelottante et triste. Il l'a emmenée dans sa maison sous la vase. Quelque temps plus tard, une petite fille est née. Ils l'ont appelée aussi Helga.
Mais cette petite Helga était bien étrange. Le jour, elle était une enfant magnifique, avec des cheveux blonds comme le soleil et des yeux bleus comme le ciel, aussi douce et gentille que sa maman. Mais dès que la nuit tombait, hop ! Elle se transformait en une grenouille à la peau visqueuse, avec le cœur froid et méchant de son père, le Roi des Marais.
La petite Helga-grenouille passait ses nuits à faire des bêtises. Elle pinçait les canards endormis, effrayait les petits poissons et se moquait des lucioles. Personne ne l'aimait sous cette forme.
Non loin du marais vivait un vieux prêtre, un homme très bon et sage. Il avait vu la belle petite fille le jour et la vilaine grenouille la nuit. Son cœur était rempli de tristesse pour elle. La maman princesse, elle, dépérissait. L'air froid du marais et le manque de soleil la rendaient malade. Avant de s'endormir pour toujours, elle supplia le prêtre de sauver sa fille de cette double vie.
Le bon prêtre prit la petite Helga chez lui. Il s'occupa d'elle avec tendresse. Il priait beaucoup pour que la gentillesse de son cœur de jour puisse chasser la méchanceté de son cœur de nuit. Un soir, alors que la transformation commençait, il prit la petite Helga dans ses bras, la serra fort et pria avec encore plus de ferveur. Il la trempa dans l'eau bénite d'une source claire.
Et là, miracle ! La peau de grenouille se détacha d'elle comme un vieux manteau. La petite Helga resta une belle petite fille, même la nuit. Son cœur était devenu entièrement bon et doux. La méchanceté du Roi des Marais avait disparu.
Les cigognes, qui avaient observé toute l'histoire depuis le ciel, furent très heureuses. Elles savaient qu'elles avaient fait une bêtise en emportant la princesse. Pour se faire pardonner, elles guidèrent la jeune Helga, devenue une belle jeune femme, à travers les pays, jusqu'à ce qu'elle retrouve un chemin vers un pays ensoleillé, un peu comme celui de sa maman.
Là, sa beauté et sa grande gentillesse charmèrent tout le monde, et même un jeune roi. Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Helga n'oublia jamais le marais, ni le bon prêtre, ni même les cigognes un peu maladroites qui, sans le vouloir, avaient commencé toute cette aventure. Et elle vécut heureuse, belle et bonne, jour et nuit, pour toujours.
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