Les Deux Frères
Contes d'Andersen
Dans un joli petit village, niché au creux de douces collines verdoyantes, vivaient deux frères. Le premier, appelons-le Léo, avait un cœur grand comme ça et un sourire toujours prêt, mais ses poches étaient souvent vides. Le second, Max, avait une maison pleine de belles choses et beaucoup d'argent, mais son cœur, lui, était un peu serré et il souriait rarement.
Un beau jour, Léo et sa femme eurent une merveilleuse nouvelle : un bébé allait arriver ! Quelle joie ! Ils voulaient organiser une petite fête pour célébrer, mais, hélas, le frigo et les placards criaient famine. Léo se gratta la tête. "Je vais aller voir mon frère Max," se dit-il. "Peut-être qu'il pourra m'aider."
Max, en voyant arriver Léo, fit une petite moue. Quand Léo lui expliqua son souci, Max soupira. "Bon, d'accord," dit-il d'un ton pas très joyeux. "Je te prête ce gros jambon. Mais attention ! Tu dois me le rapporter exactement pareil, sans en avoir mangé une seule tranchette !" Léo fut un peu surpris par cette condition étrange, mais il remercia son frère et repartit avec le jambon, qui pesait son poids.
En traversant la forêt pour rentrer chez lui, Léo rencontra une vieille dame assise sur une souche d'arbre. Elle avait des yeux pétillants et un air malicieux.
"Bonjour mon garçon ! Où vas-tu avec ce magnifique jambon ?" demanda-t-elle.
Léo, qui était toujours poli, lui raconta son histoire et la condition de son frère.
La vieille dame eut un petit rire. "Ne t'en fais pas," dit-elle. "Ce soir, les petits esprits de la forêt, les farfadets, font un grand festin dans leur grotte secrète. Ils adorent le jambon ! Va jusqu'à leur grotte, pose le jambon devant l'entrée et crie bien fort : 'Jambon pour les farfadets, sinon je fais des pirouettes !' Ils auront une peur bleue et te donneront tout leur trésor pour que tu les laisses tranquilles."
Léo, un peu perplexe mais curieux, décida de suivre son conseil. Il trouva la grotte d'où s'échappaient des rires et une musique entraînante. Il posa le jambon devant et, prenant une grande inspiration, il cria : "Jambon pour les farfadets, sinon je fais des pirouettes !"
Tout à coup, plus un bruit. Puis, des petites têtes pointues apparurent, les yeux ronds de surprise et un peu de crainte.
"Oh là là ! Un humain avec un jambon !" chuchotèrent-ils. "Prends notre or, prends tout ce que tu veux, mais s'il te plaît, laisse-nous ce jambon et ne fais pas de pirouettes ici !"
Et voilà que les farfadets sortirent des sacs remplis de pièces d'or étincelantes et les donnèrent à Léo.
Léo, tout joyeux et émerveillé, prit l'or, laissa le jambon aux farfadets (qui commencèrent aussitôt à le dévorer avec appétit) et rentra chez lui. Il put organiser une fête splendide pour son bébé et acheter tout ce dont sa famille avait besoin.
Quand Max vit que son frère Léo était soudainement devenu riche, ses yeux s'arrondirent de surprise, puis se plissèrent de jalousie. "Mais... comment as-tu fait ?" demanda-t-il, la voix pleine d'envie.
Léo, qui était un homme honnête, lui raconta toute son aventure avec la vieille dame et les farfadets.
Max n'en croyait pas ses oreilles. "Si Léo a eu autant d'or pour un simple jambon, moi, avec un jambon encore plus gros, je deviendrai le roi des riches !" pensa-t-il.
Sans attendre, il prit le plus gros et le plus beau jambon de sa réserve et courut vers la forêt. Il trouva la grotte des farfadets et, sans même dire bonjour, il hurla d'une voix forte et exigeante : "Hé, les farfadets ! J'ai un jambon bien meilleur ! Donnez-moi tout votre or, et plus vite que ça !"
Mais les farfadets n'étaient pas bêtes. Ils avaient compris la ruse. Au lieu de sortir de l'or, ils sortirent avec des petits bâtons et, ni une ni deux, ils se mirent à tapoter gentiment mais fermement les fesses de Max. "Pas d'or pour les gourmands malpolis !" criaient-ils en riant.
Max, surpris et un peu vexé, s'enfuit en courant, laissant tomber son jambon dans sa précipitation, et rentra chez lui bredouille et tout penaud.
Il comprit ce jour-là que la gentillesse et l'honnêteté de Léo avaient été récompensées, tandis que sa propre cupidité et son manque de cœur l'avaient mené à une drôle de mésaventure.
Quant à Léo, il vécut heureux avec sa famille, partageant toujours un peu de sa chance avec ceux qui en avaient besoin, car il n'oublia jamais que c'est parfois dans les rencontres inattendues que se cachent les plus beaux trésors.
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