Le Moulin à Eau
Contes d'Andersen
Au bord d'une rivière qui chantait gaiement, se dressait un vieux moulin à eau. Sa grande roue de bois tournait, tournait, éclaboussant joyeusement. Dans la maison du moulin vivait un petit garçon nommé Léo, avec son papa, le meunier.
Léo adorait écouter le moulin. Glou-glou, faisait la roue en attrapant l'eau. Cric-crac, faisaient les grosses pierres à l'intérieur qui écrasaient les grains de blé. Pour Léo, c'était comme une musique.
Un soir, alors que le soleil peignait le ciel en orange et rose, Léo était assis près de la rivière. Il lui sembla que le moulin lui parlait.
"Petit Léo," dit une voix un peu vieille et craquante, comme le bois du moulin lui-même. "Sais-tu depuis combien de temps je suis là ?"
Léo secoua la tête, les yeux grands ouverts.
"Oh, depuis très, très longtemps," continua le moulin. "J'ai vu ton papa quand il était petit comme toi, et même ton grand-père avant lui. Je les ai vus jouer au bord de l'eau."
"Chaque jour," reprit le moulin, "l'eau de la rivière me donne la force de tourner ma grande roue. Plouf, plouf ! Et grâce à ça, je peux transformer les grains de blé durs en une farine toute douce. C'est avec cette farine que ta maman fait du bon pain et des gâteaux délicieux, tu sais !"
Léo sourit. Il adorait les gâteaux de sa maman.
Le moulin raconta encore : "J'ai vu passer tant de saisons ! Le printemps avec ses jolies fleurs et le retour des oiseaux. L'été, quand les enfants comme toi viennent se rafraîchir dans la rivière. L'automne, quand les feuilles des arbres deviennent jaunes et rouges. Et l'hiver, quand tout est blanc sous la neige et que la rivière est parfois gelée."
Les années passèrent vite, comme l'eau qui coule. Léo grandit. Il apprit de son papa comment s'occuper du moulin. Il devint un jeune homme fort et souriant.
Un jour, son papa, qui était devenu vieux, lui dit : "Léo, mon fils, c'est à ton tour d'être le meunier."
Léo était fier. Le vieux moulin semblait content lui aussi. Sa roue tournait avec encore plus d'entrain, et ses pierres chantaient leur cric-crac joyeusement.
Léo parlait souvent au moulin, comme à un vieil ami sage. Et le moulin lui répondait à sa façon, par le bruit de l'eau et le ronronnement de ses mécanismes. Il lui rappelait que la nature est généreuse, que le travail bien fait apporte de la joie, et que chaque jour est un nouveau commencement.
Léo eut à son tour des enfants. Eux aussi aimaient s'asseoir près de la rivière et écouter les histoires que le moulin semblait leur chuchoter avec le vent et l'eau.
Le vieux moulin, lui, devenait de plus en plus fatigué. Sa voix était plus faible, sa grande roue tournait plus lentement.
Un jour, il murmura à Léo : "Mon cher ami, je suis très vieux maintenant. Mon voyage se termine. Mais regarde tout le bon pain que nous avons aidé à faire, toutes les familles que nous avons nourries."
Peu de temps après, la grande roue du moulin s'arrêta doucement. Le vieux moulin s'endormit pour toujours, au bord de la rivière qui continuait de chanter.
Léo et sa famille furent un peu tristes, mais ils n'oublièrent jamais leur ami le moulin. Et chaque fois qu'ils mangeaient une tartine de pain frais, ils pensaient à lui, à sa musique, et à toutes les belles choses qu'il leur avait apprises. Et la rivière, elle, chantait toujours sa chanson, comme pour se souvenir elle aussi.
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