Le Tailleur au Ciel
Contes de Grimm
Un petit tailleur, qui cousait des habits plus beaux les uns que les autres, était aussi un homme très bon. Un jour, après une vie bien remplie à manier l'aiguille et le fil, ses yeux se fermèrent pour toujours.
Et hop ! Le voilà qui flotte, flotte, tout doucement, jusqu'aux portes dorées du Paradis. Saint Pierre, avec sa grande barbe blanche et ses clés scintillantes, l'attendait avec un sourire.
« Bienvenue, mon ami ! » dit Saint Pierre. Le tailleur regarda autour de lui : tout n'était que lumière, musique douce et rires joyeux. Les anges jouaient de la harpe, les enfants couraient dans des champs de fleurs, et personne ne travaillait jamais. C'était merveilleux !
Au début, le tailleur était ravi. Plus besoin de se piquer les doigts avec l'aiguille ! Il passait ses journées à écouter la musique et à se promener. Mais après quelques temps, à force de ne rien faire du tout, il commença à s'ennuyer un petit peu. Juste un tout petit peu.
Un jour, Dieu devait s'absenter pour régler quelques affaires importantes dans l'univers. Le tailleur, qui était devenu curieux, s'approcha de Saint Pierre.
« Dites, Saint Pierre, » demanda-t-il timidement, « est-ce que je pourrais m'asseoir sur le grand fauteuil doré de Dieu, juste un tout petit instant, pendant qu'Il n'est pas là ? Juste pour voir ce que ça fait. »
Saint Pierre fronça un peu les sourcils. « Hmm, ce n'est pas vraiment permis... Mais bon, d'accord, juste un petit moment. Surtout, ne regarde pas ce qui se passe sur la Terre en bas, promis ? Et ne touche à rien ! »
Le tailleur promit, tout excité.
Dès que Dieu fut parti, le tailleur grimpa sur l'immense fauteuil. Oh là là ! Comme on voyait loin de là-haut ! Il se sentit très important, presque comme un roi. Il essaya de ne pas regarder en bas, comme promis, mais la tentation était trop forte. Il jeta un petit coup d'œil discret...
Et que vit-il ? Une vieille dame, sur la Terre, qui était en train de laver du linge au bord d'une rivière. Et zut ! Elle piquait en cachette un petit morceau de tissu qui ne lui appartenait pas !
« Une voleuse ! » pensa le tailleur, qui devint tout rouge de colère. Lui qui avait toujours été si honnête !
Sans réfléchir une seconde, il attrapa le petit tabouret doré qui servait de repose-pieds à Dieu et ZOU ! Il le lança de toutes ses forces vers la vieille dame pour la punir. Bien sûr, de si haut, il la manqua complètement. Le tabouret disparut dans les nuages.
À cet instant précis, Dieu revint. Il vit le fauteuil vide, le tailleur penaud à côté, et remarqua tout de suite que son tabouret n'était plus là.
« Petit tailleur, » dit Dieu d'une voix douce mais ferme, « que s'est-il passé ici ? Où est mon tabouret ? Et t'avais-je permis de t'asseoir sur mon fauteuil pour juger le monde ? »
Le tailleur devint tout pâle et ne sut quoi répondre.
« Au Paradis, » continua Dieu, « on accueille tout le monde avec joie, mais on ne se prend pas pour Dieu et on ne jette pas les meubles sur les gens, même s'ils font des bêtises. Tu as voulu faire mon travail. »
Et hop ! D'un geste, Dieu renvoya le petit tailleur hors du Paradis, plus vite qu'il n'était monté.
Et c'est ainsi que le petit tailleur apprit qu'il valait mieux rester un bon tailleur, même au Paradis, plutôt que d'essayer de faire le travail de Dieu. Quant au tabouret, personne ne sait où il a bien pu atterrir !
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