• La Jeune Fille sans mains

    Contes de Grimm
    Au bord d'une rivière scintillante, là où le vieux moulin grinçait parfois comme s'il racontait des secrets, vivait un meunier avec sa fille. Le meunier n'était pas très riche, et un jour, un homme étrange, tout de noir vêtu, lui apparut.
    "Je te donnerai beaucoup d'or," dit l'homme mystérieux, "si tu me promets ce qui se trouve derrière ton moulin."
    Le meunier pensa à son vieux pommier et dit : "D'accord !" Mais ce n'était pas le pommier que l'homme voulait. C'était la fille du meunier, qui balayait la cour juste derrière le moulin.

    Quand l'homme noir revint chercher son dû, la jeune fille était si propre et avait dessiné un cercle de craie autour d'elle que l'homme ne put s'approcher. Il était très fâché !
    "Dis à ton père de ne plus te laisser te laver, sinon je ne pourrai pas t'emmener !" gronda-t-il.
    Mais la jeune fille continua de se laver et de prier.
    Alors, l'homme noir, furieux, dit au meunier : "Coupe-lui les mains, sinon c'est toi que j'emporte !"
    Le pauvre meunier eut très peur. Il supplia sa fille : "Mon enfant, si je ne le fais pas, il m'emmènera."
    La fille répondit courageusement : "Père, faites ce qu'il demande. Je suis votre enfant."
    Avec une immense tristesse, le père lui coupa les mains. La jeune fille pleura sur ses pauvres bras, et ses larmes les lavèrent si bien que l'homme noir ne put toujours pas la toucher. Il disparut en marmonnant de colère.

    La jeune fille, même sans mains, ne voulait plus être un fardeau. Elle quitta la maison de son père. Elle marcha longtemps, longtemps.
    Un jour, elle arriva devant un grand verger royal, rempli de belles poires juteuses. Mais un fossé plein d'eau entourait le verger. Elle avait si faim !
    Soudain, un ange tout blanc apparut à côté d'elle. L'ange fit un petit miracle : il vida l'eau du fossé pour qu'elle puisse passer. Puis, il fit pencher une branche pour que la jeune fille puisse manger une poire avec sa bouche.

    Le roi, qui se promenait dans son jardin, vit la jeune fille. Il fut touché par sa douceur et sa beauté, même sans ses mains.
    "Qui es-tu ?" demanda le roi gentiment.
    "Je suis une pauvre fille que tout le monde a oubliée, sauf Dieu," répondit-elle.
    Le roi sentit son cœur s'emplir de pitié et d'amour. Il l'emmena à son château et, parce qu'elle était si bonne et si gentille, il décida de l'épouser. Il lui fit même fabriquer de jolies mains en argent.

    Peu de temps après, le roi dut partir à la guerre. Pendant son absence, la reine eut un magnifique bébé. Elle écrivit vite une lettre au roi pour lui annoncer la bonne nouvelle.
    Mais le méchant homme noir (ou peut-être un messager jaloux, l'histoire ne le dit pas toujours clairement) intercepta la lettre. Il la changea et écrivit que la reine avait eu un bébé qui ressemblait à un petit monstre.
    Le roi fut très triste en lisant cela, mais il répondit : "Prenez bien soin d'elle et de l'enfant jusqu'à mon retour."
    Le méchant intercepta encore la réponse et la changea pour dire : "Tuez la reine et l'enfant."

    Les gens du château, le cœur lourd, montrèrent la lettre à la reine. En larmes, elle prit son bébé et s'enfuit dans la grande forêt.
    Elle pria très fort, et l'ange gentil apparut de nouveau. Il la conduisit à une petite cabane cachée au fond des bois. Là, elle vécut paisiblement avec son enfant.
    Pendant sept longues années, elle fut si bonne, si patiente et pria si souvent que, par miracle, ses vraies mains repoussèrent, encore plus belles qu'avant !

    Pendant ce temps, le roi revint enfin de la guerre. On lui raconta la terrible méprise des lettres. Quel chagrin il eut ! Il partit immédiatement à la recherche de sa femme et de son enfant. Il chercha, chercha pendant sept ans.
    Un jour, il arriva à la petite cabane dans la forêt. Là, il reconnut sa femme, avec ses vraies mains, et son fils, qui était devenu un beau jeune garçon.
    Quelle joie ! Ils se prirent dans les bras et pleurèrent de bonheur. Ils retournèrent tous ensemble au château et organisèrent une grande fête. Et bien sûr, ils vécurent heureux pour toujours.

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