Le fidèle Jean
Contes de Grimm
Savez-vous ce qui est arrivé à une jeune fille très gentille et à son ami Roland ?
Cette jeune fille avait une belle-mère qui n'était pas gentille du tout. En fait, c'était une sorcière ! La sorcière avait aussi sa propre fille, qu'elle aimait beaucoup, même si cette fille n'était ni très jolie ni très gentille. La belle-mère était jalouse de la gentille jeune fille parce qu'elle était douce et aimée de tous.
Un soir, la sorcière dit à sa propre fille : "Ce soir, quand la gentille fille dormira, je viendrai avec ma hache et je la frapperai. Toi, ma chérie, tu te coucheras à sa place habituelle, près du mur, et elle prendra ta place au bord du lit, comme ça je ne me tromperai pas."
Mais la gentille jeune fille avait tout entendu ! Quelle frousse ! Quand la fille de la sorcière fut endormie, tout doucement, sans faire de bruit, elle la poussa délicatement vers le bord du lit et prit sa place bien au chaud contre le mur.
Au milieu de la nuit, la sorcière entra sur la pointe des pieds, pensant que sa belle-fille était au bord du lit. Elle leva sa hache et... ZLAC ! Elle frappa sa propre fille ! Oups, quelle erreur !
La gentille jeune fille se leva vite et courut réveiller Roland. "Roland, Roland, vite, il faut partir ! Ma belle-mère voulait me faire du mal, mais elle s'est trompée !"
Roland dit : "Prenons sa baguette magique, comme ça elle ne pourra pas nous suivre aussi vite."
Ils prirent la baguette, puis la jeune fille laissa tomber trois gouttes de sang sur les marches de l'escalier.
Le lendemain matin, la sorcière se leva et appela : "Hé, toi, lève-toi, il faut faire le ménage !"
Une goutte de sang sur la première marche répondit : "Oui, je suis là !"
La sorcière attendit, mais personne ne vint. Elle appela encore.
La deuxième goutte de sang répondit : "Oui, oui, j'arrive !"
Toujours personne. Elle appela une troisième fois.
La troisième goutte de sang cria : "Me voilà !"
Mais comme personne n'apparaissait, la sorcière monta voir. Et là, horreur ! Elle vit ce qu'elle avait fait et comprit que Roland et la jeune fille s'étaient enfuis.
Furieuse, elle enfila ses bottes de sept lieues (des bottes magiques qui font faire des pas de géant !) et partit à leur poursuite.
Quand les enfants la virent arriver de loin, la jeune fille dit : "Roland, vite ! Transforme-toi en lac, et moi, je serai un canard qui nage dessus !"
Quand la sorcière arriva au lac, elle vit le canard, mais elle ne pouvait pas l'attraper. Elle essaya de boire toute l'eau du lac, mais c'était beaucoup trop ! Elle repartit, grognon.
Mais elle n'abandonna pas ! Elle revint à leur poursuite.
Cette fois, la jeune fille dit : "Roland, transforme-toi en un beau rosier, et moi, je serai une rose sur une de tes branches !"
Quand la sorcière arriva, elle vit le rosier et la magnifique rose. "Ah, je vais te cueillir !" dit-elle. Mais au moment où elle tendit la main, Roland (le rosier) fit sortir de grosses épines qui la piquèrent partout. Aïe, aïe, aïe ! Elle repartit en pleurnichant.
Elle revint une troisième fois, encore plus en colère.
La jeune fille dit alors : "Roland, transforme-toi en église, et moi, je serai le lustre à l'intérieur !"
La sorcière arriva devant l'église. Elle voulut entrer, mais elle était si fatiguée et si énervée qu'elle trébucha et tomba. Elle ne se releva pas. Les enfants étaient enfin libres !
Roland dit : "Je vais rentrer chez moi pour préparer notre mariage. Attends-moi ici, dans ce champ. Je reviens vite."
La jeune fille, pour ne pas s'ennuyer et pour que Roland la reconnaisse, se transforma en une jolie pierre rouge.
Mais quand Roland arriva chez lui, il y avait une grande fête. Une autre jeune fille le vit et lui donna un baiser. Et pouf ! À cause de ce baiser, Roland oublia tout : sa gentille amie, leurs aventures, et la pierre rouge dans le champ.
La pauvre jeune fille attendit, attendit... Roland ne revenait pas. Elle était si triste qu'elle se transforma en une petite fleur solitaire dans un pré. Un berger qui passait par là trouva la fleur si jolie qu'il la cueillit et la ramena chez lui. Il la mit dans un vase.
À partir de ce jour, quand le berger rentrait chez lui, tout était propre et rangé, le repas était prêt, comme par magie ! Il était très content mais ne comprenait pas comment cela se faisait.
Un jour, le berger apprit que le jeune Roland allait se marier avec la fille qui l'avait embrassé. La petite fleur dans le vase entendit cela et devint encore plus triste. Elle dit au berger (qui fut très surpris d'entendre une fleur parler !) : "Cher berger, s'il te plaît, laisse-moi aller à ce mariage."
Le berger, curieux, accepta.
Au mariage, tout le monde chantait et dansait. Soudain, la petite fleur se mit à chanter une chanson que Roland et elle chantaient souvent ensemble. Sa voix était si douce et si familière.
Roland l'entendit. Il s'arrêta net. "Cette voix... cette chanson..." Il regarda autour de lui et vit la petite fleur. D'un coup, tous ses souvenirs revinrent ! Il se rappela sa gentille amie, leurs transformations, et comment il l'avait laissée.
"C'est toi !" s'écria-t-il en courant vers la fleur. "C'est toi ma vraie fiancée !"
La fleur redevint la jeune fille.
Roland expliqua tout à sa famille et à l'autre jeune fille. Il demanda pardon à son amie de l'avoir oubliée.
Et alors, Roland n'épousa pas l'autre, mais sa courageuse et gentille amie, celle avec qui il avait partagé tant de joies et de peines. Ils se marièrent et vécurent heureux pour toujours, sans plus jamais se quitter.
1567 Vues