Le Serviteur Adroit
Contes de Grimm
Écoutez bien cette histoire, celle d’un maître et de son serviteur un peu spécial, nommé Jean.
Un jour, le maître dit à Jean : « Jean, j’ai faim. Prends cet argent et va m’acheter un bon poulet rôti. » Jean prit l’argent, mais en chemin, il sentit son propre estomac gargouiller. Il acheta le poulet, mais aussi une petite bouteille de vin. Il s’assit sous un arbre et mangea tout le poulet, puis but tout le vin. Quand il revint, il dit à son maître : « Oh, maître ! Un méchant voleur est arrivé et m’a tout pris, le poulet et l’argent qui restait ! » Le maître soupira, un peu fâché, mais que pouvait-il faire ?
Plus tard, ils arrivèrent à une auberge pour la nuit. Le maître, prudent, cacha son sac d’or sous son oreiller. Pendant que le maître dormait, Jean, tout doucement, prit le sac d’or et mit une poignée de cailloux à la place. Le matin, le maître se réveilla et chercha son or. « Mes cailloux ! Non, mon or ! Jean, c’est toi qui as pris mon or ! » Jean bâilla et répondit : « Maître, si j’avais eu de l’or à cacher, je l’aurais mis sous MON oreiller, pas le vôtre. C’est bien plus sûr ! » Le maître ne savait plus quoi penser.
Le lendemain, le maître dit : « Jean, va au marché et achète-moi un bon morceau de viande pour le dîner. » Jean partit et acheta une belle pièce de bœuf. En revenant, il vit un chien qui le regardait avec de grands yeux. Jean eut une idée. Il donna la viande au chien et lui dit : « Tiens, gentil toutou, porte ça à mon maître, il t’attend là-bas. » Le chien, bien sûr, s’enfuit avec la viande et la mangea. Jean retourna voir son maître les mains vides. « Maître, j’ai donné la viande à un chien pour qu’il vous l’apporte, mais il s’est sauvé avec ! » Le maître était très, très en colère cette fois.
Quelques jours plus tard, le maître envoya Jean chercher sa future épouse qui arrivait d’un village voisin. Jean partit et rencontra la jeune femme. Sur le chemin du retour, la future mariée se plaignit : « Oh, Jean, j’ai si chaud et si soif ! » Jean, avec un grand sourire, lui dit : « Madame, regardez cette jolie rivière. Pourquoi ne pas vous y baigner pour vous rafraîchir ? Vos beaux habits seront en sécurité avec moi. » La jeune femme trouva l’idée excellente. Pendant qu’elle barbotait joyeusement dans l’eau, Jean prit tous ses vêtements, monta sur son cheval et galopa jusqu’à son maître. « Maître, catastrophe ! Votre fiancée a perdu tous ses habits, son cheval s’est enfui, et elle est partie en courant je ne sais où ! » Le maître, affolé, courut vers la rivière et trouva sa fiancée, toute nue et furieuse, qui lui raconta une toute autre histoire.
Le maître, désespéré, décida de confier à Jean une tâche simple : « Jean, va garder les vaches dans le pré et assure-toi qu’elles mangent bien. » Jean emmena les vaches. Il les laissa manger toute la meilleure herbe du champ, jusqu’à ce qu’elles soient bien rondes. Puis il se dit : « Si je les tue toutes, je pourrai vendre leur peau et acheter une petite chose utile. » Alors, il abattit toutes les vaches. Il jeta la viande aux chiens errants et échangea toutes les peaux contre un tout petit morceau de cuir chez le tanneur. Il revint fièrement vers son maître avec son petit bout de cuir. En voyant cela, le maître explosa : « Jean ! Tu es le pire serviteur du monde ! »
Le maître décida qu’il en avait assez. Il prit un grand tonneau et dit à Jean : « Monte là-dedans. Je vais te faire rouler jusqu’à la rivière, et adieu ! » Jean obéit. Alors que le maître s’apprêtait à pousser le tonneau, Jean, à l’intérieur, aperçut un berger avec un grand troupeau de moutons. Jean se mit à crier depuis le tonneau : « Non, non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas devenir le maire du village ! Laissez-moi tranquille ! » Le berger, curieux, s’approcha. « Pourquoi ne veux-tu pas être maire ? C’est un grand honneur ! » dit-il. « Oh, si vous saviez ! » répondit Jean. « Mais si vous y tenez tant, prenez ma place dans ce tonneau, et ils vous feront maire à ma place ! » Le berger, qui rêvait de devenir maire, accepta avec joie. Il entra dans le tonneau, et Jean prit sa place auprès des moutons. Le maître, sans regarder, poussa le tonneau de toutes ses forces. Plouf ! Le tonneau et le pauvre berger tombèrent dans la rivière et disparurent.
Peu après, Jean revint tranquillement vers la maison du maître, suivi par tout le troupeau de moutons. Le maître, en le voyant, ouvrit de grands yeux. « Jean ! D’où viennent tous ces moutons ? » Jean répondit avec un air malicieux : « Oh, maître, c’est facile ! Au fond de la rivière, il y en a des centaines ! J’ai juste ouvert le tonneau et ils sont tous venus vers moi. » Le maître, soudain très intéressé, s’écria : « Vraiment ? Alors, je veux y aller aussi ! » Il sauta dans un autre tonneau. Jean, sans hésiter, le poussa vers la rivière. Plouf ! Le maître roula, roula, et disparut dans l’eau, espérant trouver des moutons.
Mais le maître ne revint jamais. Et c’est ainsi que Jean, le serviteur pas si bête que ça, hérita de la maison, des terres, et de tous les moutons. Il vécut heureux, à sa manière, pour le reste de ses jours.
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