Les Douze Princesses dansantes
Contes de Grimm
Dans un royaume baigné de soleil vivait un roi avec ses douze filles, toutes plus belles les unes que les autres. Mais chaque matin, oh surprise ! Les souliers des princesses étaient complètement usés, comme si elles avaient dansé toute la nuit. Le roi ne comprenait rien. "Que se passe-t-il ?" se demandait-il, en fronçant les sourcils.
Il promit alors : "Celui qui découvrira le secret de mes filles épousera celle qu'il choisira et deviendra roi après moi !" Beaucoup de princes courageux essayèrent, mais chaque soir, on leur donnait une boisson qui les endormait profondément. Et le matin, le mystère restait entier, et les princes disparaissaient, un peu penauds.
Un jour, un pauvre soldat, qui rentrait de la guerre avec un sac presque vide mais un cœur vaillant, rencontra une vieille femme sur son chemin. Elle lui dit avec un sourire malicieux : "Si tu veux découvrir où vont danser les princesses, ne bois pas le vin qu'on te donnera le soir. Fais semblant de dormir. Et prends cette cape, elle te rendra invisible."
Le soldat la remercia et se présenta au château. Le soir venu, on lui offrit un verre de vin. Il fit semblant de boire, mais le laissa couler discrètement dans une petite éponge cachée sous son menton. Puis, il se mit à ronfler très fort, comme s'il dormait à poings fermés.
Les douze princesses, pensant qu'il dormait, se levèrent toutes joyeuses. Elles s'habillèrent de leurs plus belles robes et se pomponnèrent. L'aînée alla écouter à la porte du soldat. "Il dort bien !" chuchota-t-elle. Elles ouvrirent alors une trappe secrète dans le sol de leur chambre et descendirent un escalier mystérieux, l'une après l'autre.
Le soldat, qui avait tout vu, enfila vite sa cape d'invisibilité et les suivit. En descendant l'escalier, il marcha sans faire exprès sur la robe de la plus jeune princesse. "Oh ! Quelqu'un m'a tiré la robe !" s'écria-t-elle, un peu effrayée. "Ne sois pas sotte," dit l'aînée, "c'est juste un clou qui dépasse."
Ils arrivèrent dans une allée magnifique où les arbres avaient des feuilles d'argent. Le soldat, curieux, cassa une petite branche pour la garder comme preuve. Un petit craquement se fit entendre. "Qu'est-ce que c'est que ce bruit ?" demanda encore la plus jeune. "C'est le vent qui siffle," répondirent ses sœurs.
Puis, ils traversèrent une allée d'arbres aux feuilles d'or. Le soldat en prit une autre branche. Et enfin, une allée d'arbres aux feuilles de diamant étincelant. Crac ! Encore une branche pour le soldat. La plus jeune entendait toujours des petits bruits suspects, mais ses sœurs se moquaient gentiment d'elle.
Ils arrivèrent enfin à un grand lac. Douze petites barques attendaient, et dans chaque barque, un beau prince. Chaque princesse monta avec un prince, et le soldat se glissa dans la barque de la plus jeune. La barque semblait un peu plus lourde que d'habitude, mais le prince ne dit rien.
De l'autre côté du lac, il y avait un château illuminé où la musique jouait gaiement. Les princesses dansèrent avec les princes toute la nuit, tournoyant et riant, jusqu'à ce que leurs souliers soient tout troués. Le soldat, toujours invisible, observa tout et prit même discrètement une coupe en or posée sur une table.
Quand l'aube commença à poindre, les princesses, fatiguées mais heureuses, dirent au revoir aux princes et retraversèrent le lac. Elles remontèrent par les allées d'arbres et l'escalier secret. Le soldat les devança rapidement, enleva sa cape et se recoucha, ronflant de plus belle.
Cela se répéta une deuxième nuit, puis une troisième. Le troisième matin, le soldat se présenta devant le roi.
"Alors," demanda le roi, plein d'espoir, "as-tu découvert quelque chose ?"
"Oui, Majesté," répondit le soldat. Et il raconta tout ce qu'il avait vu. Pour prouver ses dires, il montra les branches d'argent, d'or, et de diamant, ainsi que la coupe en or.
Les princesses, en entendant cela, devinrent toutes rouges et ne purent nier. Le roi, ravi d'avoir enfin résolu le mystère, demanda au soldat : "Laquelle de mes filles choisis-tu pour épouse ?"
Le soldat, qui n'était plus tout jeune, réfléchit un instant et dit : "Puisqu'il faut choisir, je prendrai l'aînée."
On célébra le mariage avec une grande fête. Le soldat devint prince, puis roi à la mort du vieux souverain. Et il veilla à ce que les princesses aient toujours de bons souliers solides, mais surtout, il leur permit de danser autant qu'elles le voulaient, cette fois, au grand jour !
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