L'Ondine
Contes de Grimm
Dans un petit village niché au creux d'une vallée verdoyante, vivaient un frère et une sœur qui aimaient plus que tout jouer ensemble. Lui s'appelait Léo et elle, Mina. Un après-midi, alors qu'ils s'amusaient à se poursuivre près d'un vieux puits abandonné au milieu d'un champ, Léo, en voulant attraper une sauterelle, glissa et, plouf ! il tomba dans le puits. Mina, affolée, se pencha pour l'aider, mais elle perdit l'équilibre et tomba à son tour.
Au fond du puits, tout était sombre et humide. Soudain, une dame étrange apparut devant eux. Elle avait de longs cheveux verts comme des algues et des yeux brillants comme des perles d'eau. C'était la Nixe, l'esprit de l'eau qui vivait là.
"Ah, vous voilà !" dit-elle d'une voix qui ressemblait au murmure d'un ruisseau. "Puisque vous êtes tombés chez moi, vous allez travailler pour moi."
Et c'est ainsi que commença leur nouvelle vie. Mina devait filer du lin tout emmêlé et rêche avec un vieux rouet. Peu importe ses efforts, le fil se cassait toujours. Ensuite, elle devait remplir un seau percé avec de l'eau du puits, une tâche sans fin ! Léo, lui, devait couper un grand arbre avec une hache émoussée qui rebondissait sur le tronc sans jamais l'entamer. Pour manger, la Nixe ne leur donnait que des boulettes de pâte dures comme des cailloux. Les pauvres enfants étaient bien malheureux.
Un dimanche matin, la Nixe leur dit : "Aujourd'hui, je vais à l'église du village. Ne bougez pas d'ici !"
Dès qu'elle fut partie, Léo chuchota à Mina : "C'est notre chance ! Sauvons-nous !"
Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils grimpèrent hors du puits et se mirent à courir à toutes jambes vers leur maison.
Mais la Nixe, qui avait un sixième sens, sentit que quelque chose n'allait pas. Elle quitta l'église en vitesse et vit les enfants s'enfuir au loin. Furieuse, elle se lança à leur poursuite. Elle était très rapide !
Voyant la Nixe se rapprocher, Mina, qui avait gardé une petite brosse à cheveux dans sa poche, la jeta derrière elle en criant : "Brosse, brosse, deviens une montagne !" Et hop ! La brosse se transforma en une immense montagne couverte de milliers de poils de brosse, si serrés et si piquants qu'il était presque impossible de la traverser.
La Nixe, en grognant, dut escalader péniblement chaque poil. Cela lui prit du temps, mais elle finit par y arriver.
Elle se remit à courir et rattrapait de nouveau les enfants. Cette fois, Léo sortit de sa poche un petit peigne et le lança par-dessus son épaule : "Peigne, peigne, deviens une montagne !" Et crac ! Le peigne devint une gigantesque montagne avec des milliers de dents de peigne, encore plus hautes et plus pointues que la première.
La Nixe, rouge de colère, dut encore une fois grimper, se piquant les mains et les pieds. Elle peina beaucoup, mais elle réussit à passer.
Elle était maintenant tout près des enfants. Mina, désespérée, chercha dans sa poche et trouva un petit miroir. Elle le lança derrière elle en criant de toutes ses forces : "Miroir, miroir, deviens une montagne !" Et cling ! Le miroir se transforma en une immense montagne de verre, si lisse et si glissante que personne ne pouvait y grimper.
La Nixe essaya une fois, deux fois, elle glissa, tomba, réessaya... Impossible ! Elle ne pouvait pas monter. "Oh, zut de zut !" cria-t-elle, furieuse. Elle tapa du pied et, voyant qu'elle ne pourrait jamais les attraper, elle retourna, boudeuse et trempée, au fond de son puits.
Léo et Mina, eux, coururent sans s'arrêter jusqu'à leur maison. Leurs parents, qui les cherchaient partout, furent fous de joie de les retrouver sains et saufs. Les enfants racontèrent leur aventure, et à partir de ce jour, ils promirent de ne plus jamais jouer trop près d'un puits abandonné. Et ils vécurent heureux, en se rappelant parfois avec un frisson leur rencontre avec la Nixe des eaux.
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