Les Douze Mois
Contes d'Andersen
Dans un pays où les hivers étaient longs et froids, vivait une jeune fille douce et travailleuse nommée Marjolaine. Elle habitait avec sa méchante belle-mère et sa demi-sœur, Hélène, qui était aussi paresseuse que méchante. Marjolaine faisait tout le travail à la maison, du matin au soir, mais jamais on ne la remerciait. Au contraire, sa belle-mère et Hélène lui rendaient la vie difficile.
Un jour de janvier, alors que la neige recouvrait tout d'un épais manteau blanc et que le vent soufflait si fort qu'on aurait dit un loup qui hurlait, Hélène eut une envie soudaine.
"Marjolaine," dit-elle d'un ton capricieux, "j'ai envie de violettes. Va m'en cueillir dans la forêt."
"Des violettes en janvier ?" s'étonna la belle-mère. "C'est une idée folle ! Mais... va, Marjolaine, et ne reviens pas sans un bouquet !"
Pauvre Marjolaine ! Elle savait bien qu'on ne trouve pas de violettes sous la neige. Mais elle obéit, emmitouflée dans son vieux châle. Elle marcha longtemps, ses pieds s'enfonçant dans la neige. Finalement, elle arriva au sommet d'une montagne. Là, surprise ! Un grand feu brûlait, et autour, douze hommes étaient assis sur des pierres. Ils étaient tous différents : certains jeunes et rieurs, d'autres plus âgés et sérieux, et un très vieux avec une longue barbe blanche comme la neige. C'étaient les Douze Mois.
Marjolaine s'approcha timidement. "Bonjour, braves gens," dit-elle poliment. "Puis-je me réchauffer un peu à votre feu ?"
Le vieil homme, qui était Grand Janvier, lui sourit. "Approche, mon enfant. Que viens-tu faire ici par ce temps ?"
Marjolaine expliqua qu'elle cherchait des violettes.
Les Douze Mois se regardèrent. Grand Janvier fit un signe à un jeune homme au visage doux. "Frère Mars, c'est à toi."
Mars se leva, prit le bâton de commandement de Janvier et le frappa sur le sol. Aussitôt, la neige se mit à fondre, l'herbe devint verte, les bourgeons apparurent aux arbres et, sous les buissons, des milliers de violettes parfumées s'épanouirent !
"Cueilles-en vite, Marjolaine," dit Mars gentiment.
Marjolaine, émerveillée, remplit son tablier de violettes. Elle remercia chaleureusement les Douze Mois et rentra vite à la maison.
Hélène et sa mère furent stupéfaites de voir les violettes. Mais au lieu d'être gentilles, elles furent encore plus exigeantes.
Quelques jours plus tard, Hélène déclara : "J'ai envie de fraises des bois, bien rouges et sucrées."
"Des fraises en plein hiver ! Tu es folle !" dit la belle-mère. Puis, se tournant vers Marjolaine : "Va en chercher, et ne traîne pas !"
Marjolaine retourna voir les Douze Mois. Elle leur raconta sa nouvelle mission.
Grand Janvier sourit et dit : "Frère Juin, un petit coup de main ?"
Juin, un homme joyeux au teint hâlé, prit le bâton. Aussitôt, le soleil brilla fort, la neige disparut complètement, et partout des fraisiers sauvages se couvrirent de fruits rouges et juteux.
Marjolaine en cueillit un plein panier, remercia ses amis les Mois, et repartit.
La belle-mère et Hélène mangèrent les fraises avec gourmandise, sans même un merci pour Marjolaine.
Mais leur méchanceté n'avait pas de limites. Peu après, Hélène exigea : "Je veux des pommes rouges, des pommes d'automne !"
"Des pommes maintenant ? C'est impossible !" s'exclama la belle-mère. "Mais toi, Marjolaine, tu sais comment faire. Va !"
Pour la troisième fois, Marjolaine monta sur la montagne. Les Douze Mois l'accueillirent avec joie.
"Des pommes rouges, dis-tu ?" demanda Grand Janvier. "Frère Septembre, à toi de jouer."
Septembre, un homme au visage aimable, secoua le bâton. Un pommier apparut, chargé de magnifiques pommes rouges et brillantes. Marjolaine en remplit son tablier.
Quand la belle-mère et Hélène virent les pommes, leur jalousie fut immense.
"Comment fait-elle ?" se dirent-elles. "Cette fois, nous irons nous-mêmes ! Nous aurons bien plus qu'elle !"
Alors, la belle-mère et Hélène partirent vers la montagne. Elles trouvèrent le feu et les Douze Mois. Mais au lieu d'être polies comme Marjolaine, elles furent impolies et ordonnèrent :
"Hé, vous là ! Donnez-nous vite des fraises, des pommes, et tout ce que vous avez de meilleur !"
Grand Janvier fronça ses épais sourcils blancs. Il n'aimait pas du tout leur ton. Il se leva, prit son bâton et le frappa violemment sur le sol.
Soudain, le ciel s'assombrit. Un vent glacial se mit à souffler, la neige tomba en tourbillons si épais qu'on ne voyait plus rien. La belle-mère et Hélène, surprises et effrayées, essayèrent de fuir, mais elles se perdirent dans la tempête de neige. Le froid les saisit, et on ne les revit jamais.
Marjolaine resta seule dans la petite maison. Elle n'était plus obligée de travailler pour des gens méchants. Le printemps revint, puis l'été. Elle hérita de la maison et du jardin. Elle vécut heureuse, travaillant pour elle-même, et n'oublia jamais la gentillesse des Douze Mois. Parfois, quand le temps était beau, elle montait sur la montagne pour leur apporter des gâteaux qu'elle avait faits, juste pour leur dire bonjour et les remercier encore.
1327 Vues