Le Parrain La Mort
Contes de Grimm
Un papa avait tellement d'enfants, mais tellement, qu'il ne savait plus comment les nourrir tous. Quand son treizième bébé est né, un petit garçon, le papa s'est gratté la tête. "Qui va bien pouvoir être le parrain de celui-ci ?" s'est-il demandé.
Il est sorti sur la grande route, bien décidé à trouver quelqu'un.
Le premier qu'il a rencontré, c'était Dieu. Dieu lui a dit : "Pauvre homme, je veux bien être le parrain de ton fils. Je prendrai soin de lui."
Mais le papa a secoué la tête. "Non merci," a-t-il dit. "Tu donnes tout aux riches et tu laisses les pauvres avoir faim. Tu n'es pas juste."
Il a continué son chemin et a rencontré le Diable. Le Diable a souri avec toutes ses dents pointues. "Hé hé ! Prends-moi comme parrain ! Je lui donnerai de l'or et tous les plaisirs du monde !"
Le papa a froncé les sourcils. "Certainement pas ! Tu trompes les gens et tu les rends malheureux."
Alors, il a marché encore un peu et qui a-t-il vu s'approcher ? C'était la Mort, toute maigre avec sa grande faux sur l'épaule.
La Mort a dit d'une voix calme : "Je veux bien être son parrain."
Le papa a regardé la Mort. "Toi ? Mais pourquoi ?"
"Parce que je suis la seule à être juste," a répondu la Mort. "Je prends les riches comme les pauvres, les jeunes comme les vieux, sans faire de différence."
"Alors, c'est d'accord !" a dit le papa. "Tu seras un bon parrain."
Le jour du baptême, la Mort est venue et tout s'est bien passé.
Quand le garçon est devenu un jeune homme, son parrain, la Mort, est venu le voir.
"Mon filleul," a dit la Mort, "je vais faire de toi un docteur célèbre et riche. Tiens, voici une herbe magique. Quand tu iras voir un malade, regarde bien où je me tiens. Si je suis à la tête du lit, tu peux donner l'herbe au malade, et il guérira. Mais si je suis aux pieds du lit, alors il n'y a plus rien à faire, cette personne doit venir avec moi. Ne lui donne surtout pas l'herbe."
Le jeune homme est devenu un docteur très connu. Quand il entrait dans une chambre, il savait tout de suite si le malade allait guérir ou non, juste en regardant où se tenait son parrain, la Mort, que lui seul pouvait voir. Il est devenu très riche.
Un jour, le Roi du pays est tombé très malade. On a appelé le fameux docteur.
Quand le docteur est entré, il a vu la Mort debout aux pieds du lit du Roi. "Oh non," pensa le docteur. "Si le Roi meurt, c'est la catastrophe. Mais si je le sauve..."
Alors, il a eu une idée. Il a demandé qu'on tourne le lit du Roi très vite, si vite que la Mort s'est retrouvée à la tête du lit sans s'en rendre compte ! Le docteur a vite donné l'herbe au Roi, et le Roi a guéri.
La Mort n'était pas contente du tout. Elle a secoué son doigt vers son filleul. "Tu m'as trompé une fois ! Je te pardonne parce que tu es mon filleul. Mais si tu recommences, tu auras des ennuis !"
Peu de temps après, la Princesse, la fille unique du Roi, est tombée malade. Le Roi était désespéré. Il a promis : "Celui qui guérira ma fille pourra l'épouser et deviendra roi après moi !"
Le jeune docteur est arrivé en courant. En entrant dans la chambre de la Princesse, il a vu la Mort, encore une fois, aux pieds du lit. La Princesse était si belle, et l'idée de devenir roi était si tentante...
Le docteur a oublié l'avertissement de son parrain. Il a vite donné l'herbe à la Princesse. Elle a ouvert les yeux et a souri, guérie !
Mais cette fois, la Mort était vraiment furieuse. Elle a attrapé le docteur par le bras, si fort qu'il a eu peur. "Viens avec moi !" a-t-elle dit d'une voix glaciale.
Elle l'a emmené loin, très loin, dans une immense grotte souterraine. Dans la grotte, il y avait des milliers et des milliers de bougies allumées. Certaines étaient grandes et brûlaient avec une belle flamme. D'autres étaient toutes petites, et leur flamme vacillait, prête à s'éteindre.
"Regarde," a dit la Mort. "Chaque bougie est la vie d'une personne. Les grandes sont pour ceux qui ont encore beaucoup de temps. Les petites, pour ceux dont la vie va bientôt finir."
Le docteur, tremblant, a demandé : "Et ma bougie, parrain ? Où est ma bougie ?"
La Mort a montré du doigt une toute petite bougie, minuscule, dont la flamme dansait et menaçait de s'éteindre à chaque seconde.
"Oh non !" a crié le docteur. "Parrain, mon cher parrain, s'il te plaît ! Prends cette petite bougie et mets-la sur une nouvelle, une grande, pour que je vive plus longtemps !"
La Mort l'a regardé. "Je ne peux pas," a-t-elle dit. "Tu m'as trompé deux fois. C'est la règle."
Elle a fait semblant de vouloir attraper la petite bougie pour la changer de place, comme pour aider son filleul. Mais, "Oops !" a-t-elle fait, comme si elle était maladroite. La petite bougie est tombée par terre et la flamme s'est éteinte d'un coup.
Au même instant, le jeune docteur est tombé lui aussi, et il ne s'est plus jamais relevé.
Et c'est ainsi que la Mort a montré qu'on ne peut pas la tromper bien longtemps, même si on est son filleul.
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