La Paresseuse Fileuse
Contes de Grimm
Dans une petite chaumière, vivait un couple pas comme les autres. Le mari, appelons-le Thomas, était un homme très travailleur. Sa femme, appelons-la Élise, aimait beaucoup… se reposer ! Surtout, elle détestait filer la laine. C'était la chose qu'elle aimait le moins au monde.
Un jour, Thomas dit à Élise : "Ma chère, nous avons besoin de fil pour nos vêtements. Pourrais-tu te mettre au rouet aujourd'hui ?"
Élise soupira très fort. "Oh, Thomas, comment veux-tu que je file ? Je n'ai même pas de dévidoir pour enrouler le fil une fois qu'il est fait !" Un dévidoir, c'est un outil qui aide à mettre le fil en pelote.
Thomas, qui était patient, alla dans la forêt. Il coupa du bois et, hop, il fabriqua un beau dévidoir tout neuf. "Voilà, ma chérie !" dit-il fièrement en le lui donnant.
Élise regarda le dévidoir avec un petit air pincé. "C'est bien gentil," dit-elle, "mais il n'est pas du tout préparé. Il faut le faire tremper dans l'eau, puis le nettoyer soigneusement… c'est beaucoup de travail avant même de commencer à filer !"
Thomas, toujours patient, prit le dévidoir et fit tout ce qu'Élise avait dit. Il le prépara parfaitement.
Maintenant, Élise n'avait plus d'excuses. Elle s'assit devant le rouet, fit semblant de travailler un tout petit peu. Mais dès que Thomas avait le dos tourné, elle prenait les fuseaux pleins de fil que Thomas avait déjà filés autrefois et les cachait sous son lit. Quand Thomas revenait, elle lui montrait un fuseau vide et disait : "Oh, ce fil est si difficile à faire, je n'avance pas !"
Un jour, en cherchant quelque chose sous le lit, Thomas trouva tous les fuseaux pleins de fil cachés par Élise.
"Élise !" s'écria-t-il, un peu fâché. "Tu m'as raconté des histoires ! Tout ce fil était déjà fait ! Tu es vraiment très paresseuse !"
Élise ne se laissa pas impressionner. Elle prit un air très sérieux et dit : "Oh, mon cher Thomas, ce n'est pas que je suis paresseuse. C'est que filer est très, très dangereux pour la santé !"
"Dangereux ?" demanda Thomas, surpris.
"Oui !" continua Élise d'un air grave. "Tu ne connais pas l'histoire des trois fileuses ? La première, à force d'appuyer sur la pédale du rouet toute la journée, a eu un pied énorme, aussi gros qu'une citrouille ! La deuxième, à force de mouiller le fil avec sa salive pour qu'il glisse mieux, a eu une lèvre inférieure qui pendait jusqu'à son menton ! Et la troisième… oh, la troisième, à force de tordre le fil entre ses doigts, a eu un pouce aussi large qu'une grosse pomme de terre !" Élise fit une grimace d'horreur en racontant cela.
Thomas écouta, les yeux tout ronds. Il imagina sa chère Élise avec un pied de géant, une lèvre pendante et un pouce énorme. L'idée lui fit peur.
"C'est terrible !" s'exclama-t-il. "Je ne veux surtout pas que tu deviennes comme ça ! Élise, ma chérie, promets-moi que tu ne toucheras plus jamais à un rouet de ta vie !"
Élise sourit en cachette. Son plan avait parfaitement fonctionné !
Et c'est ainsi qu'Élise la paresseuse n'eut plus jamais besoin de filer de la laine, et elle en fut très, très contente. Et Thomas, pensant la protéger, était content aussi.
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