L'Homme à la peau d'ours
Contes de Grimm
Figurez-vous un jeune homme qui avait été soldat. La guerre finie, il se retrouva sans un sou, ne sachant où aller. Il marchait, marchait, le ventre vide, quand tout à coup, au milieu d'un champ, un homme étrange apparut. Cet homme portait un manteau vert et avait un air un peu diabolique, mais avec un sourire en coin.
"Je sais que tu n'as pas d'argent," dit l'homme vert. "Je peux t'en donner autant que tu veux. Mais il y a une condition. Pendant sept ans, tu ne devras ni te laver, ni te peigner, ni couper tes cheveux ou tes ongles. Tu ne devras pas non plus prier. Tu porteras cette peau d'ours comme manteau et tu dormiras dedans. Si tu survis à ces sept années, tu seras riche et libre pour toujours. Si tu meurs avant, ton âme sera à moi."
Le soldat, qui n'avait plus rien à perdre, pensa : "Sept ans, c'est long, mais la richesse au bout, ça vaut le coup d'essayer !" Il accepta le marché. L'homme vert lui donna la peau d'ours et lui dit : "Mets ta main dans la poche de ce manteau, elle sera toujours pleine d'or."
Et voilà notre soldat, qu'on appela bientôt "Peau d'Ours", couvert de cette fourrure. Au début, ce n'était pas si terrible. Mais les mois passèrent. Ses cheveux devinrent une tignasse, sa barbe descendait jusqu'à sa taille, ses ongles ressemblaient à des griffes. Il sentait si mauvais que les gens s'écartaient de lui en se bouchant le nez.
Pourtant, Peau d'Ours avait bon cœur. Avec l'or inépuisable de sa poche, il faisait le bien. Il payait les dettes des pauvres gens, donnait à manger à ceux qui avaient faim. Beaucoup le remerciaient, même s'ils n'osaient pas s'approcher trop près.
Un jour, il arriva dans une auberge où vivait un homme avec ses trois filles. Quand les deux aînées virent Peau d'Ours, elles poussèrent des cris d'horreur et s'enfuirent. "Quel monstre !" dirent-elles. Mais la plus jeune, elle, ne montra pas de peur. Elle dit : "Il doit être bien malheureux pour être dans cet état."
Peau d'Ours, touché par sa gentillesse, lui demanda si elle voulait l'épouser. Les sœurs aînées éclatèrent de rire. Mais la plus jeune répondit calmement : "Mon père doit d'abord donner son accord."
Peau d'Ours alla voir le père. En échange de la main de sa fille, il lui offrit une grande quantité d'or. Le père, voyant tant de richesse, accepta.
Avant de partir, car il lui restait encore du temps à passer dans sa peau d'ours, il prit une bague en or, la cassa en deux et donna une moitié à la jeune fille. "Garde ceci précieusement," dit-il. "Si je reviens dans trois ans et que ma moitié de bague s'accorde à la tienne, nous nous marierons. Si je ne reviens pas, c'est que je serai mort." La jeune fille pleura en lui disant au revoir.
Les trois années restantes passèrent. Peau d'Ours continuait à faire le bien. Enfin, le dernier jour des sept ans arriva. L'homme vert apparut, l'air un peu déçu. "Tu as tenu bon," dit-il. "L'or est à toi, et ton âme aussi."
Alors, il lava Peau d'Ours, le peigna, lui coupa les cheveux et les ongles. Quand ce fut fait, Peau d'Ours était redevenu un beau jeune homme, encore plus élégant qu'avant, et vêtu de magnifiques habits de velours.
Il se rendit à l'auberge dans un carrosse étincelant. Les deux sœurs aînées, le voyant si beau et si riche, se précipitèrent pour lui plaire, espérant qu'il choisirait l'une d'elles. Mais il demanda à voir la plus jeune.
Celle-ci arriva, le visage triste, car elle pensait toujours à son fiancé Peau d'Ours. Elle portait la moitié de la bague à son cou.
Le jeune homme sortit sa propre moitié de bague. Il les joignit : elles s'adaptaient parfaitement !
"Je suis Peau d'Ours, ton fiancé !" s'écria-t-il.
La jeune fille fut folle de joie. Ils se marièrent et vécurent très heureux avec toute la richesse que Peau d'Ours avait gagnée.
Et les deux sœurs aînées ? En voyant le bonheur de leur sœur et la richesse de celui qu'elles avaient méprisé, elles furent si vertes de jalousie qu'elles s'enfuirent, honteuses de leur méchanceté. Personne ne sut jamais ce qu'elles devinrent.
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