• Toutes-Fourrures

    Contes de Grimm
    Saviez-vous qu'il y avait un roi dont la reine était la plus belle du monde, avec des cheveux comme des fils d'or ? Un jour, hélas, la reine tomba malade. Avant de fermer les yeux pour toujours, elle dit au roi : "Promets-moi de n'épouser qu'une femme aussi belle que moi, avec des cheveux d'or comme les miens." Le roi, le cœur brisé, le promit.

    Le temps passa. Le roi chercha partout une nouvelle reine, mais aucune n'était aussi belle que sa défunte épouse, ni n'avait d'aussi beaux cheveux d'or. Un jour, en regardant sa propre fille, il réalisa qu'elle avait grandi et ressemblait trait pour trait à sa mère. Elle avait les mêmes cheveux d'or magnifiques. Le roi eut alors une idée qui fit beaucoup de peine à la princesse.

    La princesse, très malheureuse mais aussi très maligne, dit à son père : "J'accepterai, mais à trois conditions. Je veux une robe dorée comme le soleil, une robe argentée comme la lune, et une robe brillante comme les étoiles. Et aussi, un manteau fait de la peau de mille animaux différents." Elle espérait que ce serait impossible à réaliser.
    Mais les artisans du royaume étaient si habiles qu'ils fabriquèrent les trois robes merveilleuses et le manteau de mille fourrures.

    Quand tout fut prêt, la princesse prit les trois robes, qu'elle cacha dans une coquille de noix. Elle prit aussi un petit anneau d'or, un petit rouet d'or et un petit dévidoir d'or. Puis, elle se noircit le visage et les mains avec de la suie, enfila le manteau de mille fourrures et s'enfuit dans la grande forêt. Elle marcha longtemps et finit par s'endormir dans le creux d'un grand arbre.

    Quelques jours plus tard, le roi d'un pays voisin chassait dans cette forêt. Ses chiens trouvèrent la princesse endormie, qu'ils prirent pour une bête étrange. Le roi, curieux, s'approcha. "Qui es-tu, créature couverte de fourrures ?" demanda-t-il.
    "On m'appelle Peau-de-Mille-Bêtes," répondit la princesse, car elle ne voulait pas dire son vrai nom.
    Le roi eut pitié d'elle et l'emmena à son château. Là, on lui donna un petit réduit sous l'escalier pour dormir et elle dut aider le cuisinier, nettoyer les cendres et faire les travaux les plus salissants.

    Un jour, un grand bal fut organisé au château. Peau-de-Mille-Bêtes demanda timidement au cuisinier : "Puis-je monter regarder un petit peu ? Juste un instant ?"
    Le cuisinier, un homme grognon, lui lança une louche de soupe sale en disant : "D'abord, nettoie ça, et après tu pourras rêver !"
    Mais dès qu'elle fut seule, Peau-de-Mille-Bêtes courut à son réduit, se lava vite, ouvrit sa coquille de noix et sortit la robe couleur de soleil. Elle la mit et monta au bal. Personne ne la reconnut. Le jeune roi fut ébloui par sa beauté et dansa avec elle toute la soirée. Quand le bal se termina, elle disparut si vite qu'on ne sut où elle était allée. Elle remit son manteau de fourrure et retourna à la cuisine.
    Le lendemain, en préparant la soupe du roi, elle y laissa tomber son anneau d'or. Le roi trouva l'anneau et demanda au cuisinier d'où il venait. Le cuisinier ne savait pas. Le roi appela Peau-de-Mille-Bêtes. "Cet anneau vient-il de toi ?"
    "Oh non, sire," répondit-elle, "je ne suis qu'une pauvre fille avec des fourrures. Je ne possède rien d'aussi précieux."

    Peu après, il y eut un autre bal. Peau-de-Mille-Bêtes demanda encore à y assister. Le cuisinier se moqua d'elle, mais elle fila se laver et mit sa robe couleur de lune. Le roi fut de nouveau charmé et ne dansa qu'avec elle. Elle s'échappa encore avant la fin. En préparant la soupe du roi le lendemain, elle y glissa son petit rouet d'or. Le roi, trouvant le rouet, interrogea Peau-de-Mille-Bêtes, qui nia encore tout.

    Un troisième bal fut annoncé. Cette fois, Peau-de-Mille-Bêtes mit sa robe brillante comme les étoiles. Elle était si belle que le roi ne voulait plus la quitter. Pendant qu'ils dansaient, il lui passa doucement une bague en or au doigt sans qu'elle s'en aperçoive. Il demanda aussi que la danse dure très, très longtemps.
    Finalement, elle réussit à s'enfuir, mais elle fut si pressée qu'elle n'eut pas le temps de bien remettre son manteau, et un bout de sa robe étoilée dépassa un instant. Le roi avait aussi remarqué la bague qu'il lui avait mise au doigt.
    Le lendemain, elle mit son petit dévidoir d'or dans la soupe du roi.
    Le roi la fit venir. "Tu es bien plus qu'une simple fille de cuisine," dit-il. "Montre-moi ta main."
    Quand elle tendit sa main, il vit la bague qu'il lui avait donnée ! Alors, il tira doucement sur le manteau de fourrure. Le manteau tomba, révélant ses cheveux d'or et sa robe d'étoiles qui brillait encore un peu.
    "Tu es ma princesse mystérieuse !" s'écria le roi, fou de joie. "Et tu seras ma reine !"
    Peau-de-Mille-Bêtes sourit. Ils se marièrent et vécurent heureux pour toujours, et elle n'eut plus jamais besoin de porter son manteau de mille fourrures, sauf pour se souvenir de son aventure.

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