• La Hirondelle et le Corbeau

    Fables d'Ésope
    Un beau matin de printemps, alors que le soleil réchauffait doucement la terre, une Hirondelle agile et fière voletait joyeusement dans le ciel. Ses plumes d'un bleu nuit brillaient et elle adorait se regarder dans le reflet des flaques d'eau.

    Posée sur la branche d'un vieux chêne, un Corbeau tout noir observait le monde avec attention. Il n'était pas aussi coloré que l'Hirondelle, mais il avait un air sage.

    L'Hirondelle aperçut le Corbeau et descendit en piqué près de lui.
    "Bonjour Corbeau !" lança-t-elle d'un ton un peu moqueur. "Regarde comme mes plumes sont lisses et brillantes ! Et toi, tu es toujours aussi sombre. C'est dommage, non ?"
    Le Corbeau la regarda calmement et répondit : "Bonjour Hirondelle. Tes plumes sont belles, c'est vrai."

    L'Hirondelle, contente d'elle, continua : "Et puis, moi, je suis une grande voyageuse ! Quand l'hiver arrive et qu'il fait un froid de canard, hop ! Je m'envole vers les pays chauds où le soleil brille toujours. Toi, tu restes ici à grelotter sous la neige. Quelle tristesse !"
    Le Corbeau hocha la tête. "Tu voyages loin, c'est certain."

    Les mois passèrent. L'été fut joyeux et chaud, puis l'automne arriva avec ses feuilles colorées. L'Hirondelle s'amusait toujours autant, se vantant de ses futurs voyages.
    Puis, le vent devint glacial, le ciel se couvrit de nuages gris et les premiers flocons de neige commencèrent à tomber. L'hiver était là.

    L'Hirondelle, qui avait trop tardé à partir, se retrouva surprise par le froid intense. Ses belles plumes ne la protégeaient plus. Elle tremblait de tous ses membres et ne trouvait plus d'insectes à manger. Elle était frigorifiée et affamée.
    Elle aperçut alors le Corbeau, tranquillement installé sur sa branche, ses plumes noires et épaisses bien serrées contre son corps. Il picorait quelques graines qu'il avait cachées.

    L'Hirondelle, à bout de forces, se posa péniblement près de lui.
    "Oh, Corbeau," murmura-t-elle, la voix faible, "j'ai si froid... et si faim. Mes belles plumes ne me servent à rien contre ce gel."
    Le Corbeau la regarda avec un air ni méchant, ni moqueur, juste observateur.
    "Tu vois, Hirondelle," dit-il doucement, "tes plumes sont faites pour la beauté et les climats doux. Les miennes, moins brillantes peut-être, sont solides et me gardent au chaud même quand il neige. Et parce que je reste ici, je sais où trouver de la nourriture pour l'hiver."

    L'Hirondelle comprit alors. Se vanter de sa beauté et de ses voyages était amusant, mais avoir des plumes solides et être prévoyant était bien plus utile pour affronter les difficultés. Ce jour-là, elle apprit qu'il ne faut pas juger sur les apparences, et que chaque créature a des qualités importantes pour survivre.

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