• Les Lutins et le Cordonnier

    Contes de Grimm
    Imaginez un petit atelier, rempli de l'odeur du cuir et de la colle. C'est là que vivait Martin, un cordonnier très gentil, avec sa femme Sophie. Mais les affaires n'allaient pas très bien, et ils devenaient de plus en plus pauvres.

    Un soir, il ne restait à Martin que juste assez de cuir pour faire une seule paire de chaussures. "Oh là là," soupira-t-il en regardant le petit morceau de cuir. "Que ferons-nous demain si personne n'achète ces chaussures?" Avec soin, il découpa le cuir, le prépara pour le lendemain et, fatigué, alla se coucher.

    Le lendemain matin, en entrant dans son atelier, quelle ne fut pas sa surprise! Sur sa table de travail, à la place du cuir découpé, se trouvait une paire de chaussures magnifiques, parfaitement cousues, sans le moindre défaut. Martin et Sophie n'en croyaient pas leurs yeux. "Mais... qui a bien pu faire ça?" se demanda Sophie.

    Un client entra peu après, vit les chaussures et fut si impressionné par leur qualité qu'il les acheta pour un très bon prix. Avec cet argent, Martin put acheter du cuir pour faire deux paires de chaussures. Le soir venu, il découpa le cuir, le laissa sur son établi et alla dormir.

    Et le miracle se répéta! Le matin suivant, deux paires de chaussures superbes attendaient sur la table. Elles furent vendues rapidement, et Martin put acheter encore plus de cuir. Cela continua ainsi pendant plusieurs nuits. Chaque matin, de nouvelles chaussures, toujours plus belles, étaient prêtes, et le cordonnier et sa femme n'étaient plus pauvres du tout.

    Un soir, juste avant Noël, alors qu'ils étaient assis près du feu, Martin dit à Sophie : "Nous devrions vraiment savoir qui nous aide autant. Restons éveillés cette nuit pour voir!" Sophie trouva que c'était une excellente idée.

    Alors, ils se cachèrent derrière un grand rideau dans l'atelier et attendirent. À minuit pile, la porte s'ouvrit doucement et deux tout petits lutins, pas plus hauts qu'une poupée, entrèrent en sautillant. Ils étaient nus comme des vers et se mirent immédiatement au travail. Leurs petites mains agiles coupaient, cousaient et martelaient le cuir avec une vitesse incroyable. En un rien de temps, toutes les chaussures furent terminées. Puis, aussi vite qu'ils étaient venus, les lutins disparurent.

    Martin et Sophie étaient très émus. "Ces gentils petits êtres nous ont rendus riches, et ils n'ont même pas de vêtements pour se tenir chaud!" dit Sophie. "Nous devons leur faire un cadeau pour les remercier."
    "Tu as raison!" répondit Martin. "Tu pourrais leur coudre de jolis petits habits, et moi, je leur fabriquerai de minuscules paires de bottes."

    Aussitôt dit, aussitôt fait. Sophie cousit deux petites chemises, deux petits pantalons et deux petits gilets bien chauds. Martin, de son côté, fabriqua deux paires de bottes si petites qu'elles tenaient dans le creux de sa main.

    Le soir venu, au lieu de laisser du cuir sur l'établi, ils y déposèrent les petits vêtements et les bottines. Puis, ils se cachèrent de nouveau pour voir la réaction des lutins.

    À minuit, les deux lutins arrivèrent. Quand ils virent les jolis cadeaux à la place du travail habituel, ils furent d'abord surpris, puis leurs visages s'illuminèrent de joie. Ils enfilèrent rapidement les habits et les bottes, qui leur allaient à la perfection. Ils se regardèrent, se mirent à rire et à danser joyeusement dans tout l'atelier. Ils chantèrent : "Nous sommes de beaux garçons bien vêtus, plus besoin d'être cordonniers nus!" Puis, en dansant et en chantant, ils sortirent de l'atelier et ne revinrent jamais.

    Martin et Sophie ne revirent plus les lutins, mais ils continuèrent à bien travailler et eurent toujours de la chance dans leurs affaires. Ils vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours, et ils n'oublièrent jamais les deux petits aides qui les avaient sortis de la pauvreté.

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