Dans un petit village, vivait un père avec ses deux fils. L'aîné était intelligent et travailleur, mais le plus jeune, que nous appellerons simplement "le jeune homme", était un peu différent. Il n'avait peur de rien, mais alors vraiment de RIEN ! Et son plus grand souhait était d'apprendre à frissonner de peur. "Père," disait-il souvent, "je veux savoir ce que c'est que d'avoir la chair de poule !"

Son père soupirait. "Mon garçon, tu me causes bien du souci. Va dans le monde, apprends ce que tu veux, mais ne reviens pas tant que tu n'auras pas appris à frissonner."

Le jeune homme partit donc, tout content. Il arriva dans un village où le sacristain lui dit : "Si tu veux avoir peur, viens passer la nuit dans le clocher de l'église. Je te montrerai !"
Cette nuit-là, le jeune homme monta au clocher. À minuit, le sacristain, déguisé en fantôme avec un drap blanc, apparut en faisant "Bouh !".
Le jeune homme, pas du tout impressionné, demanda : "Qui es-tu ? Si tu es un méchant, descends vite, sinon je te pousse !" Et comme le "fantôme" ne bougeait pas, hop ! il le poussa dans les escaliers. Le pauvre sacristain se retrouva tout cabossé.

Le jeune homme continua sa route. Un soir, il vit près d'un gibet sept hommes qui y étaient pendus. "Pauvres gens," se dit-il, "ils doivent avoir si froid !" Il les descendit, fit un grand feu et les installa tout autour pour les réchauffer. Mais comme ils ne bougeaient toujours pas, il se dit : "Bon, si vous ne voulez pas vous réchauffer, je ne peux rien pour vous." Et il les raccrocha soigneusement à leur place.

Plus loin, il entendit parler d'un château hanté. Le roi avait promis que celui qui y passerait trois nuits sans trembler pourrait épouser sa fille, la princesse, et aurait la moitié du royaume.
"Voilà une chance d'apprendre à frissonner !" pensa le jeune homme. Il se présenta au roi.

Pour la première nuit, il demanda un feu, un tour de menuisier et un banc à sculpter. Tard dans la nuit, deux énormes chats noirs apparurent, avec des yeux brillants. "Veux-tu jouer aux cartes avec nous ?" miaulèrent-ils.
"Pourquoi pas ?" dit le jeune homme. Mais en voyant leurs griffes, il attrapa son banc et son tour et les menaça : "Vos doigts sont trop longs ! Je vais vous les raccourcir !" Et il pourchassa les chats qui s'enfuirent. Puis, un grand lit apparut et se mit à rouler dans la pièce. "Super, encore plus vite !" cria le jeune homme en s'amusant. Il dormit ensuite paisiblement.

La deuxième nuit, la moitié d'un homme tomba par la cheminée. "Hé ! Il manque un bout !" cria le jeune homme. Aussitôt, l'autre moitié tomba. Les deux moitiés se rejoignirent. L'homme proposa de jouer aux quilles avec des têtes de mort et des tibias. "Amusant !" dit le jeune homme, et ils jouèrent joyeusement jusqu'au matin.

La troisième nuit, un vieil homme avec une longue barbe blanche entra. Il portait un cercueil. "Tu vas mourir !" gronda le vieil homme. Il essaya d'attraper le jeune homme, mais celui-ci, plus fort, le saisit et l'enferma dans le cercueil.

Le roi fut très étonné de le retrouver sain et sauf. Le jeune homme épousa la princesse et devint riche, mais il se plaignait toujours : "Je suis heureux, mais je ne sais toujours pas ce que c'est que de frissonner !"

La princesse, qui l'aimait beaucoup, était triste de le voir ainsi. Un jour, sa fidèle servante lui donna une idée. Une nuit, alors que le jeune homme dormait profondément, la princesse alla chercher un seau rempli d'eau glacée du ruisseau, avec plein de petits poissons frétillants dedans. Doucement, elle souleva la couverture et... SPLASH ! Elle versa tout le contenu du seau sur son mari.

Le jeune homme se réveilla en sursaut, grelottant de tous ses membres, les petits poissons gigotant sur lui. "Brrrrr ! Ah ! Qu'est-ce que c'est froid ! Oh ! Je frissonne, je frissonne ! Princesse, maintenant je sais ce que c'est que de frissonner !"

Et c'est ainsi que le jeune homme qui n'avait jamais eu peur apprit enfin ce qu'était la sensation de frissonner. Il vécut ensuite très heureux avec sa princesse, content d'avoir enfin connu ce petit frisson.

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