Un jour, trois médecins militaires, qui avaient beaucoup voyagé et vu bien des choses, arrivèrent dans une petite auberge pour y passer la nuit. Ils étaient très fiers de leur savoir-faire et commencèrent à se vanter.

Le premier dit : "Moi, je suis tellement doué que je peux me couper la main et la remettre le lendemain matin, comme si de rien n'était, grâce à une pommade spéciale que j'ai inventée !"

Le deuxième renchérit : "Ce n'est rien ! Moi, je peux enlever mon cœur de ma poitrine, et le remettre le lendemain avec ma pommade magique !"

Le troisième, ne voulant pas être en reste, déclara : "Petits joueurs ! Moi, je peux retirer mes yeux, les poser sur la table, et les remettre en place le matin, et je verrai encore mieux qu'avant !"

L'aubergiste, qui les écoutait, était très impressionné. Les trois médecins décidèrent de lui montrer leurs talents. Le premier coupa sa main, le deuxième sortit son cœur, et le troisième enleva délicatement ses yeux. Ils mirent tout cela sur une grande assiette et demandèrent à la servante de l'auberge de bien la garder en lieu sûr jusqu'au lendemain matin. Ils lui expliquèrent qu'ils avaient une pommade spéciale pour tout remettre en place.

La servante prit l'assiette et la déposa dans le garde-manger. Mais voilà, pendant la nuit, le chat de l'auberge, attiré par une odeur inhabituelle, se faufila dans le garde-manger. Curieux, il renifla l'assiette et, trouvant ces morceaux appétissants, il mangea la main, puis le cœur, et enfin les deux yeux.

Au petit matin, la servante alla chercher l'assiette et la trouva vide ! Quelle horreur ! Elle courut, toute tremblante, raconter sa mésaventure à l'aubergiste. "Le chat a tout mangé !" sanglota-t-elle.

L'aubergiste, craignant la colère des médecins, réfléchit vite. "Ne t'inquiète pas," dit-il. "J'ai une idée. Un voleur a été pendu hier. Va vite couper sa main. Ensuite, nous tuerons un cochon et nous prendrons son cœur. Et pour les yeux... eh bien, nous prendrons ceux du chat !"

Aussitôt dit, aussitôt fait. La servante plaça la main du voleur, le cœur du cochon et les yeux du chat sur l'assiette, juste à temps avant que les médecins ne se réveillent.

Les trois médecins, sans rien soupçonner, prirent ce qui se trouvait sur l'assiette. Chacun appliqua sa pommade magique et remit en place ce qu'il croyait être sa propre partie du corps. Tout sembla bien se passer.

Ils payèrent l'aubergiste et reprirent leur route. Mais bientôt, des choses étranges commencèrent à se produire.
Celui qui avait maintenant la main du voleur ne pouvait s'empêcher, dès qu'il voyait quelque chose, de vouloir le prendre, même si cela ne lui appartenait pas. Il essayait de fouiller dans les poches des passants.
Celui qui avait le cœur du cochon se mit à grogner et à vouloir se rouler dans toutes les flaques de boue qu'il rencontrait sur le chemin.
Et celui qui avait les yeux du chat se mit à miauler en voyant des souris imaginaires et passait son temps à vouloir grimper aux arbres pour les chasser, même en plein jour.

Ils se regardèrent, perplexes. "Quelque chose ne va pas," dirent-ils en chœur. Ils comprirent que les morceaux qu'ils avaient recollés n'étaient pas les leurs. Furieux, ils firent demi-tour et retournèrent à l'auberge.

Ils confrontèrent l'aubergiste et la servante, qui, morts de peur, avouèrent toute la vérité sur le chat et les remplacements. Les médecins étaient très en colère et menacèrent de mettre le feu à l'auberge si l'aubergiste ne leur donnait pas une grosse somme d'argent en dédommagement.

L'aubergiste, pour sauver son auberge, leur donna tout l'argent qu'il possédait. Les trois médecins repartirent, un peu changés dans leurs habitudes, mais beaucoup plus riches. Et peut-être qu'après cette aventure, ils furent un peu moins pressés de se vanter de leurs talents extraordinaires.

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