La Lumière Bleue
Contes de Grimm
Un soldat, qui avait servi son roi avec courage pendant de longues années, se retrouva un jour sans travail et avec très peu d'argent. Le roi lui avait dit : "Tu as bien travaillé, mais maintenant, je n'ai plus besoin de toi. Voici quelques sous, et bonne chance !" Le soldat était bien triste et ne savait pas quoi faire.
Il se mit à marcher, marcher, sans but précis. Le soir tombait quand il arriva près d'une forêt sombre. Soudain, une vieille femme apparut devant lui. C'était une sorcière, avec un nez crochu et des yeux perçants.
"Bonsoir, soldat," dit-elle d'une voix rauque. "Je sais que tu cherches fortune. Si tu es courageux, je peux t'aider."
"Que dois-je faire ?" demanda le soldat.
"Tu vois ce vieux puits là-bas ? Au fond, il y a une lumière bleue que j'ai perdue. Si tu me la rapportes, je te donnerai tant d'or que tu n'auras plus jamais de soucis."
Le soldat, qui n'avait peur de rien, accepta. La sorcière lui donna une longue corde et il descendit dans le puits. C'était sombre et humide. Tout au fond, il trouva la fameuse lumière bleue. Elle brillait doucement. Il la prit et cria à la sorcière de le remonter.
"Donne-moi d'abord la lumière !" cria-t-elle d'en haut.
"Non," répondit le soldat, méfiant. "Remonte-moi d'abord, et je te la donnerai ensuite."
La sorcière se mit en colère et, au lieu de le remonter, elle le laissa tomber tout au fond du puits, pensant qu'il y resterait pour toujours. Mais le soldat atterrit sur un sol mou et ne se fit pas mal.
Assis dans le noir, il se sentait bien seul. Il avait toujours sa pipe et un peu de tabac. Il se dit : "Tiens, je vais fumer une dernière pipe." Il prit la lumière bleue pour allumer son tabac. À peine la flamme de la lumière toucha-t-elle le tabac qu'un petit homme tout noir, pas plus haut que le genou, apparut devant lui.
"Maître, que désires-tu ?" demanda le petit homme.
Le soldat fut très surpris. "Me sortir de ce puits !" dit-il.
Aussitôt dit, aussitôt fait ! Le petit homme le prit par la main et, en un clin d'œil, le soldat se retrouva hors du puits.
"Incroyable !" pensa le soldat. Il demanda ensuite au petit homme de lui apporter de l'or. Le petit serviteur disparut et revint avec des sacs remplis de pièces d'or. Le soldat était riche !
Il s'installa dans la meilleure auberge de la ville et vécut comme un prince. Mais il s'ennuyait un peu. Un soir, il se dit : "J'aimerais bien voir la princesse. On dit qu'elle est la plus belle du monde."
Il alluma sa lumière bleue. Le petit homme apparut.
"Maître, que désires-tu ?"
"Amène-moi la princesse," ordonna le soldat.
En un instant, le petit homme revint avec la princesse endormie dans ses bras. Il la déposa doucement sur un fauteuil. Le soldat la regarda : elle était encore plus belle que dans ses rêves. Mais il n'osa pas la réveiller et demanda au petit homme de la ramener au château.
Le lendemain matin, la princesse raconta à son père, le roi, qu'elle avait fait un rêve étrange : elle avait été transportée dans la chambre d'un soldat. Le roi, très protecteur, n'aima pas du tout cela.
Il dit à sa fille : "Si cela se reproduit, prends tes ciseaux et coupe un petit bout du drap du lit où tu te trouves. Et sème des petits pois sur le chemin du retour pour que nous puissions suivre la trace."
La nuit suivante, le soldat, qui voulait revoir la princesse, rappela le petit homme. La princesse fut de nouveau transportée. Cette fois, elle fit ce que son père lui avait dit : elle sema des petits pois. Mais le petit homme, qui était très malin, avait vu son manège. Il s'empressa de semer des petits pois dans toutes les rues de la ville ! Ainsi, le lendemain, les serviteurs du roi trouvèrent des pois partout et ne purent pas savoir où la princesse avait été.
Le roi était furieux. Il dit à sa fille : "Ce soir, si tu es encore emmenée, cache une de tes chaussures dans la chambre."
Et c'est ce qui arriva. Le petit homme ramena la princesse chez le soldat. Elle cacha une de ses petites pantoufles en or sous le lit.
Le lendemain, les gardes du roi cherchèrent partout et finirent par trouver la pantoufle chez le soldat.
Le pauvre soldat fut arrêté et jeté en prison. On le jugea rapidement et il fut condamné à être pendu.
Quand il fut mené vers la potence, il demanda une dernière faveur au roi.
"Majesté, accordez-moi une dernière volonté. Laissez-moi fumer une dernière pipe."
Le roi, pensant que cela ne changerait rien, accepta.
Le soldat sortit sa pipe, son tabac, et alluma le tout avec sa lumière bleue.
Aussitôt, le petit homme noir apparut. "Maître, que désires-tu ?"
"Attrape ce roi et tous ses juges !" cria le soldat. "Et secoue-les bien fort jusqu'à ce qu'ils me demandent pardon !"
Le petit homme se mit à l'œuvre avec joie. Il attrapa le roi, les juges, les gardes, et les fit danser en l'air comme des marionnettes. Ils criaient et suppliaient le soldat de les épargner.
Finalement, le roi, tout tremblant, promit au soldat de lui donner son royaume et la main de sa fille s'il arrêtait ce supplice.
Le soldat ordonna au petit homme de s'arrêter. Il épousa la belle princesse et devint roi. Ils vécurent heureux très longtemps, et de temps en temps, quand il avait besoin d'un petit coup de main, le nouveau roi allumait sa pipe avec sa fidèle lumière bleue.
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