• Les Gens Avisés

    Contes de Grimm
    Dans une ferme pas très loin d'ici, vivait un fermier avec sa femme et leur fille, Elsie. Elsie était une jeune fille... disons, un peu spéciale.

    Un jour, le fermier dit : "Elsie, ma chérie, va donc à la cave nous chercher une cruche de bière."
    Elsie prit la cruche et descendit joyeusement à la cave. En attendant que la bière coule du tonneau, elle regarda autour d'elle. Juste au-dessus du tonneau, accrochée au mur, il y avait une vieille hache.
    Soudain, Elsie se mit à pleurer. "Oh là là !" sanglotait-elle. "Si un jour je me marie, et que j'ai un petit garçon, et que je l'envoie ici chercher de la bière, cette hache pourrait lui tomber sur la tête ! Pauvre petit !" Et elle pleura de plus belle.

    En haut, on attendait la bière. Le fermier envoya la servante. "Va voir ce que fait Elsie."
    La servante descendit et trouva Elsie en larmes. "Pourquoi pleures-tu, Elsie ?"
    "Hélas," dit Elsie, "regarde cette hache ! Si je me marie, si j'ai un fils, si je l'envoie chercher de la bière, elle pourrait lui tomber dessus !"
    "Oh, quelle terrible pensée !" s'écria la servante, et elle se mit à pleurer avec Elsie.

    Le temps passait. Le fermier envoya le valet de ferme. "Va donc voir ce qui se passe à la cave."
    Le valet trouva Elsie et la servante en train de pleurer. "Mais que se passe-t-il ?"
    Elsie raconta l'histoire de la hache, du futur mari, du futur fils et du terrible accident.
    "Quelle prévoyance !" dit le valet, et il se joignit aux pleurs.

    Finalement, la fermière, impatiente, descendit elle-même. Elle les trouva tous les trois en larmes. Quand elle entendit l'histoire de la hache, elle s'exclama : "Comme tu es intelligente, Elsie, de penser à une chose pareille !" Et elle se mit à pleurer aussi.

    Le fermier, n'y tenant plus, descendit à son tour. Il vit tout son petit monde en train de sangloter. "Mais enfin, que se passe-t-il ici ?"
    Elsie expliqua une fois de plus sa terrible vision.
    Le fermier écouta attentivement, puis il déclara : "Elsie, tu es vraiment la plus intelligente de nous tous ! Penser à un malheur qui n'est même pas encore arrivé, c'est prodigieux !"

    Il remonta et annonça : "Ma fille Elsie est si maligne qu'elle mérite un mari tout aussi malin."
    Peu de temps après, un jeune homme nommé Hans vint demander la main d'Elsie.
    Le fermier lui dit : "Ma fille est très, très intelligente. Si tu es aussi malin qu'elle, tu pourras l'épouser."
    "Comment puis-je le prouver ?" demanda Hans.
    "Eh bien," dit Elsie, "imaginez : un jour, je me marie, j'ai un fils, je l'envoie à la cave chercher de la bière, et là, une hache qui est accrochée au mur lui tombe sur la tête ! N'est-ce pas terrible d'y penser ?"
    Hans réfléchit un instant et dit : "Oui, c'est une femme très prévoyante que j'aurai là !" Et il accepta de l'épouser.

    Après le mariage, un jour, Hans dit à Elsie : "Pendant que je fais une petite sieste, va au champ couper le blé pour que nous ayons du pain."
    "D'accord, mon cher Hans," répondit Elsie.
    En chemin vers le champ, elle se dit : "Est-ce que je mange d'abord, ou est-ce que je coupe le blé d'abord ? Allez, je vais manger d'abord."
    Elle s'assit, sortit son pain et son fromage, mangea de bon appétit, et... s'endormit.

    Hans se réveilla et, ne voyant pas Elsie revenir, pensa : "Quelle travailleuse, cette Elsie ! Elle coupe encore le blé."
    Quand la nuit tomba, Elsie se réveilla. Tout était sombre. "Oh là là," se dit-elle, "est-ce que c'est moi, Elsie, ou ce n'est pas moi ?" Elle n'était plus très sûre.
    "Tiens," pensa-t-elle, "je vais rentrer à la maison et demander si Elsie est là. Comme ça, je saurai."
    Elle arriva à la maison et frappa doucement à la fenêtre.
    "Qui est là ?" demanda Hans de l'intérieur.
    "Je ne sais pas trop..." répondit Elsie. "Demande à Elsie si elle est à la maison."
    Hans, pensant que sa femme était déjà rentrée et se reposait, cria : "Oui, oui, elle est là !"
    "Ah !" se dit Elsie. "Alors, ce n'est pas moi !"
    Et elle s'enfuit dans la nuit, et personne ne la revit jamais. Et Hans, lui, attendit longtemps sa femme si intelligente.

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